Edito
Imaginez : vous vous présentez à un entretien d’embauche. L’opportunité est à saisir : un poste qui correspond parfaitement à vos compétences vient d’être ouvert au recrutement en CDI.
Vous vous êtes mis sur votre trente et un. Vous êtes un peu stressé mais confiant : vous connaissez bien votre sujet, d’autant plus que c’est vous qui occupez ce poste depuis plusieurs années en tant que prestataire. Mais l’entretien tourne court. Le recruteur a vite fait de doucher tous vos espoirs. ça sera une femme. Pourquoi pas mais les éléments de langages donnés sont durs à encaisser:
– Vous êtes un homme, et à CV égal, voire un peu moins bon pour une femme, nous prendrons quand même la candidate féminine
– Nous considérons uniquement les CV de femmes sur ce poste.
Et cerise sur le gâteau,
– si d’ici là vous vous faites opérer, peut être que nous pourrons revoir votre candidature.
Un humour de très bon goût.
Cet entretien s’est déroulé près de chez vous. Ça s’est passé à TotalEnergies.
A travail égal salaire égal. Les slogans féministes qui ont émaillé les luttes pour l’égalité femme/homme dans les années 70 ont été dépassés. Face aux difficultés d’équilibrer les bilans sociaux dans une industrie à prédominance masculine, la Direction de TotalEnergies a pris le parti de forcer le trait en faveur de l’emploi féminin. Pour en finir une fois pour toutes avec les inégalités de genre?
Le long combat de la légitimité
Les inégalités au travail ne concernent
pas seulement l’embauche mais aussi le salaire, le parcours professionnel et l’accès aux postes de (très) hautes responsabilités, entre autres.
En outre, une des luttes que de nombreuses femmes ont eu et ont toujours à mener est celui de la légitimité professionnelle. Combien d’entre-elles doivent lutter pour se faire une place, que leurs compétences soient reconnues, leur parole écoutée ? Et plus encore dans les métiers techniques. Cela ne concerne pas seulement le regard que leurs collègues masculins peuvent porter sur elles, mais également le sentiment d’auto-dévalorisation qu’elles peuvent nourrir.
C’est un combat de longue haleine, et les avancées sont toujours fragiles.
Relais du sexisme ordinaire
Le débat instauré par la Direction de TotalEnergies montre bien à quel point la société n’a pas avancé sur le sujet. La question de la domination masculine est hélas toujours d’actualité. En s’érigeant soudainement en défenseuse de la cause féminine, la Direction s’y prend de la pire des manières. Elle redonne corps aux stéréotypes qu’elle prétend combattre, elle fait ressurgir du bois le « mâle blanc dominant », pour reprendre des termes entendus ici et là, et elle relance les procès en illégitimité. Au lieu de dégenrer la question de l’embauche et de l’évolution de carrière, elle se fait le relais du sexisme ordinaire.
La cause des femmes vaut mieux que ces pantalonnades. La CGT demande à la Direction de s’en tenir aux fondamentaux :
- Promotion des métiers techniques dans les viviers de recrutement,
- Anonymisation des candidatures lors de l’accord de recrutement final,
- Réduction des écarts de rémunération,
- Evolution de carrière dé-corrélée du genre, des contraintes familiales, etc.
- Renoncement à la politique d’individualisation, laquelle est le plus grand vecteur d’inégalité F/H,
- Transparence de la rémunération et droit de représentation dans les commissions de recours.