Qu’est-ce qui caractérise concrètement la stratégie de Total dans l’EP ?
La Direction de Total accentue sa stratégie qui consiste à concentrer de plus en plus les ressources de l’entreprise sur l’amont pétrolier. Cette stratégie peut conduire à des cessions comme celle de TIGF. De fait fin septembre 2012, le PDG du groupe a annoncé à la communauté financière 15 G€ de cessions dans les prochaines années, pour une bonne part dans l’Amont.
Cette stratégie est liée au fait que Total, comme les autres grands opérateurs pétroliers privés, rencontre de plus en plus de difficultés à atteindre ses objectifs de production et à renouveler ses réserves. L’exploration est la meilleure façon pour atteindre le haut niveau de rendement des capitaux investis et reste un argument de choix face à la concurrence pour l’obtention de nouveaux permis dans les pays où nous souhaitons intervenir.
Les ressources humaines sont notoirement insuffisantes pour améliorer, voire parfois pour maintenir, la maitrise de nos opérations. Pour l’Exploration-Production, la Direction prétend que les embauches dans les filiales pourraient compenser les manques au siège. La façon dont cette orientation est actuellement mise en œuvre n’est pas vraiment convaincante.
Pour la CGT, Total n’est pas en train de préparer l’avenir.
Comment la stratégie du groupe influe-t-elle sur sa capacité à préparer l’avenir énergétique (innovations technologiques, …) ?
A l’EP, nous assistons récemment à la prise de conscience que pour atteindre nos objectifs opérationnels, il nous faut une bonne dose d’innovation. C’est peut-être lié aux récentes découvertes faites par de petites compagnies sur de nouveaux thèmes géologiques (nous avons trouvé du pétrole là où nous ne pensions pas qu’il y en avait), ce qui aiguillonne les grandes compagnies privées. Mais il y a aussi les relations avec les grands pays producteurs pour lesquels la maitrise technique est un critère de choix non négligeable lors des attributions de permis. Cette tendance se renforce avec l’exploitation de ressources non conventionnelles comme les huiles lourdes, les gaz et huiles de schistes, le deep offshore ou encore l’ante-salifère.
Nous pouvons partager l’objectif de la Direction lorsqu’elle affirme que « les explorateurs doivent s’orienter vers la recherche de gros prospects même s’ils sont risqués, tout en s’aventurant sur de nouveaux thèmes géologiques… ». Mais il faut réformer le type de management de notre entreprise. En effet, l’innovation et la prise de risque ne se décrètent pas aux dires de la Direction, « elles naissent d’une culture infusée à tout instant au quotidien. Celle de la confiance, de la persévérance et de la solidarité. Seul cet état d’esprit permet de conquérir de nouveaux territoires en laissant les collaborateurs en position de pouvoir oser de nouvelles approches, user de leur intuition et avoir le droit à l’erreur».
Pour cela, il faut bien sûr que chaque salarié ne soit plus sous pression : du manque de temps, mais aussi parfois de certains responsables qui connaissent les bonnes conclusions avant que l’étude ne soit finie et qui attendent donc les « bonnes » réponses. Ces pressions sont inadmissibles et nocives au bon fonctionnement des équipes.
La recherche
Dans ce domaine, la ligne qui a prévalu globalement depuis la fusion d’Elf et de Total en 2000, c’est un positionnement de « suiveur intelligent » en gérant l’apport d’Elf Aquitaine qui était sur une approche nettement plus novatrice.
Les objectifs de la recherche sont parfois ambitieux avec des budgets en croissance. Mais il reste difficile de gréer les équipes ce qui est une insigne faiblesse si l’ambition est bien de passer du statut de « suiveur intelligent » à celui d’innovateur. Bien sûr, sur quelques sujets, Total est à la pointe. Mais globalement nous rencontrons des difficultés avec un haut management pas toujours convaincu de la nécessité d’investir dans la recherche et donc sur le long terme.
La CGT a donc écouté avec grand intérêt, lors du CCE de Juin, la Direction présenter de nouvelles orientations pour un projet de réforme de la recherche qui devrait être finalisé en 2014 : la vision long terme prédomine, avec la volonté affirmée d’être leader sur certains sujets clefs. Le fonctionnement de la recherche serait aussi infléchi et le gréement des équipes assuré. Ces orientations nous ont vivement intéressés et nous souhaitons qu’une telle réforme puisse voir le jour. Bien entendu, nous resterons vigilants.
La situation des salariés, le contenu du travail des ingénieurs cadres et techniciens ?
De manière générale, on peut dire que les fonctions de soutien ont été largement transférées à la sous-traitance, l’exemple le plus criant étant l’informatique ; les équipes du « cœur des métiers pétroliers », comprenant des géologues, des géophysiciens, des ingénieurs réservoir, des exploitants sont en grand stress par manque de personnel et donc une charge de travail excessive avec en plus, la gestion d’une sous-traitance où le personnel tourne rapidement. Un autre constat peut être fait immédiatement, lié au devenir des professions techniciennes. Ce sont souvent des salariés de haut niveau de qualification qui sont sans perspective d’évolution et qui voient leurs tâches se rabougrir. De manière concomitante, les ingénieurs sont surchargés d’activités qui ne sont pas directement liées à leurs qualifications. Ce constat est accablant pour la forme de management mise en œuvre dans notre entreprise qui met en grande tension l’ensemble du salariat et génère de la morosité alors qu’il y a de nombreux challenges intéressants à relever.
Les raisons qui conduisent à un tel gâchis sont connues et pas très originales : c’est la volonté de faire baisser les coûts, cette question devenant cruciale à cause du haut niveau d’investissement prévu pour les prochaines années.
Nous vivons actuellement sur nos acquis grâce aux efforts du passé lorsque nous avons formé des équipes et avons investi dans la recherche. La politique de management actuel ne permet pas d’affronter sereinement les départs massifs à la retraite qui sont prévus les prochaines années.
Quelles revendications pouvons-nous apporter face à ces stratégies ?
Il faut bien sûr un changement de type de management et des embauches suffisantes. S’affranchir de l’approche managériale individualiste pour être en capacité de créer de véritables équipes et ainsi pourvoir au remplacement des départs massifs en retraite prévus dans un proche avenir. Il faut revoir plus généralement l’utilisation des richesses créées dans l’entreprise. Cela va des augmentations de salaires équitables à des financements de nos activités mieux équilibrés. Il faut cesser les politiques trop généreuses pour les actionnaires et recentrer les montants dégagés vers l’investissement industriel et l’innovation.
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